COCKTAIL POISON
COCKTAIL POISON : DÉMAGOGIE,POPULISME AUTORITARISME ET XÉNOPHOBIE
Trump, Johnson, Salvini, ou Orban sont qualifiés de populistes. Erdogan et Poutine sont appelés dictateurs. L'association passagère du mouvement Beppe Grillo avec Salvini préfigurent-elles celle d'une alliance populiste Mélanchon - Marine Lepen ? Certains pensent que le 21° siècle verra une contestation généralisée de la démocratie au profit de dictatures. Encore faut-il faire la distinction entre populisme et démagogie et autoritarisme.
Le populisme peut se définir comme une exploitation de la défiance du peuple envers ses élites politiques. Il se manifeste par un rejet de la démocratie représentative. Les élus sont contestés parce qu'on leur reproche de ne plus être à l' écoute du peuple. Ce phénomène trouve souvent son origine dans la trop longue pérennité au pouvoir d'un parti, ou d'une alliance de partis, ou de partis soit-disant opposés mais faisant la même politique. Le populisme, contrairement au fascisme n'est pas anti-démocratique ; il est contre la démocratie parlementaire. Il revendique l' élection des dirigeants au suffrage universelle, le référendum d' initiative populaire ,le mandat impératif et le référendum révocatoire. Le populisme n'est pas l' absence de démocratie, c'est une autre forme de démocratie directe. La souveraineté nationale est remplacée par le souveraineté populaire. C'est la vision de Rousseau contre Sieyès. Il n'y a malheureusement pas d'exemple de souveraineté populaire réussie.
La démagogie au contraire ne prône pas une forme particulière d'organisation politique. Le démagogue se contente de faire les promesses qui le feront élire, même si celles-ci sont irréalisables. Le démagogue incrimine toujours un bouc émissaire qu'il rend responsable de tous les maux. Dénoncée dés l' antiquité grecque, la démagogie apparaît comme une perversion du système électoral, amenant certains à penser que le suffrage universel était dangereux et que droit de vote devait être réservé à une élite sur des critères de richesse ou d'éducation. Une fois arrivé au pouvoir, le populiste a deux choix : soit il oublie ses promesses et fait une politique souvent à peu prés la même que ses prédécesseurs, soit il persiste et ruine le pays ; pour se maintenir au pouvoir, il institue alors un régime autoritaire comme au Venezuela.
Dans la Rome antique, la République avait inventé une forme de régime autoritaire temporaire ; la dictature. Pour faire face à une crise, le dictateur recevait tous les pouvoirs, mais avec une limitation à une période de 6 mois à l'issue de laquelle les institutions étaient rétablies. Un peu l'équivalent de notre article 16 de la constitution de la Veme République. A l'opposé, les régimes autoritaires modernes ne sont pas des parenthèses de la démocratie mais des systèmes politiques propres dans lesquels la séparation des pouvoirs n'existe pas. Les trois pouvoirs, législatif, judiciaire et exécutif sont concentrés entre les mains d'une seule et même personne qui apparaît comme le sauveur. Les libertés publiques sont suspendues, les droits de l' homme bafoués et toute opposition est réprimée.
Le danger est que souvent, ces trois éléments se conjuguent; régime autoritaire + populisme + démagogie = dictature. Les dictatures modernes sont toujours associées au culte de la personnalité qu'elle soient de gauche ( Staline) ou de droite ( Mussolini), ce qui rend les dictateurs totalement mégalomanes ( Kim Jong-Un.). Le populisme par essence n'est pas forcement démagogique, mais dans une démocratie directe, la tentation est forte d'arriver au pouvoir ou de s'y maintenir avec des arguments démagogiques. La fin des élites sous la forme du « tous pourris » revendiquée par le populisme est souvent un argument invoqué par les dictatures pour justifier les coups d'états leur permettant de prendre les pleins pouvoirs.
Au vu de ces éléments, comment qualifier aujourd'hui des chefs d'États ou candidats dont les profils sortent du moule républicain. Trump est un démagogue, mais il n'a jamais demandé l'instauration d'une démocratie directe par référendum. Il ne doit donc pas être qualifié de populiste. Idem pour Boris Johnson. Erdogan qui manipule les élections et pèse sur le pouvoir judiciaire doit clairement être classé comme un dictateur. En France Melanchon doit être qualifié de populiste et de démagogue. S'il arrivait au pouvoir, quand on voit la manière dont il méprise le pouvoir judiciaire, il y a de fortes chance pour qu'il devienne un dictateur mégalomane. Marine Lepen est sans conteste démagogue, sa critique des élites, son appétence pour le RIP et sa focalisation sur les immigrés démontrent qu'elle est populiste. Arrivée au pouvoir, instaurerait-elle pour autant une dictature?
Il y a un sujet qui vient semer le trouble: c'est la question bien actuelle de l' immigration qui peut cacher la xénophobie et le racisme. Toutes les dictatures ne sont pas racistes ( Pinochet) et des démocraties peuvent avoir des comportements qui le sont ( traitement des Rohingya en Birmanie). Le populisme n'est pas intrinsèquement raciste, mais il le devient souvent par démagogie. Les démagogues qui font des émigrés leurs boucs-émissaires, risquent ainsi de créer des attitudes racistes. Si le populisme, la démagogie, la dictature et la xénophobie sont réunis, alors on doit craindre un retour du nazisme.
Dire qu'il existe un problème d'intégration des immigrés de la seconde génération n'est ni raciste, ni démagogique, ni populiste. Le problème n'est pas racial, il est lié à l' urbanisme. Comme le fait remarquer François Sureau, les "grands ensembles" ne méritent pas leurs noms. Faisons disparaître les ghettos que sont devenus les " quartiers". Si l'on veut que les populations issues de l’immigration puissent s'assimiler, encore faut-il qu'elles soient au contact des autochtones et non reléguées dans des ghettos laissés le plus souvent à l'abandon. La question de l'immigration doit être traitée démocratiquement sans populisme, sans démagogie et sans autoritarisme.