EGALITE / EQUITE

      De la constatation des difficultés réelles de certaines minorités à trouver leurs places dans la société, on recherche à les aplanir par le moyen de l'équité comme cela se fait outre-Atlantique.

      La société américaine, on le sait depuis Tocqueville, s'est fondée plus sur la liberté que sur l'égalité. Les amérindiens ont été les premiers à en subir les conséquences dramatiques : les colons devaient avoir la liberté de s'implanter où bon leur semblaient quitte à massacrer les indiens qui s'y opposaient. La liberté du commerce, en prolongement du négoce triangulaire, a permis l'importation et le développement de l'esclavage. Malgré une lutte séculaire pour l'égalité des droits, les noirs américains, malgré leurs victoires en droit, n'arrivaient pas à obtenir en fait une égalité de chance. Ainsi est née l'idée d'un coup de pouce donné aux membres des minorités pour permettre d'arriver à une égalité de fait entre les communautés.

      En France, depuis les philosophes des lumières, c'est l'égalité en droit qui a été privilégiée. Dans la société d'Ancien Régime, la naissance déterminait le destin de l'individu. Les castes figées ne permettaient que très difficilement de passer d'un état à un autre. La nuit du 4 août et la Loi Le Chapellier ont eu pour but de remédier à cet état inégalitaire en droit.

      Un adage de droit ancien édictait « que Dieu nous garde de l'équité des parlements ».A l' encontre de cet adage, trois mouvements vont, de nos jours, fragiliser l'ordre égalitaire etabli par la République.

        Bien qu'égaux en droit, les membres de certaines minorités ont subi une discrimination de fait, mais dans un pays interdisant les statistiques ethniques par peur de la stigmatisation de certaines catégories, la discrimination positive sur des critères raciaux ne pouvait réussir. On en est alors arrivé à adopter une discrimination positive , non sur des critères raciaux, mais sur des critères de localisation. Il s'agit, dans une société de plus en plus communautariste, de palier des inégalités de fait, en permettant aux jeunes issus des « quartiers » d'intégrer des écoles de « privilégiés ». Reconnaître en droit une inégalité de fait n'est pas sans conséquences : c'est reconnaître la légitimité d'un traitement différent selon son origine. Les mouvements racialistes se sont engouffrés dans cette brèche d'autant que le droit d'ester en justice reconnu aux associations leur permettait de donner plus d'éclats à leurs revendications.

       Les femmes ont eu également à souffrir d'une situation défavorisée que l'équité devait corriger. Les mouvements ultra-féministes ont agi dans ce sens en exigeant la parité et l'introduction de quotas dans listes électorales ou dans les conseils d'administration ; cependant il ne faudrait pas arriver à cette situation où le sexe pourrait primer sur la compétence.

        Enfin la sociologie déconstructiviste, en fustigeant des structures de domination colonialistes, a justifié un ressentiment de minorités issues de l'émigration à l'égard d'une nation contrainte de faire son mea culpa. Dans la brèche ainsi ouverte, les islamistes radicaux se sont engouffrés en revendiquant un traitement équitable au nom d'un particularisme religieux justifiant le refus d'appliquer certaines lois républicaines. Le refus de cette exception au nom de la laïcité a créé un ressentiment pouvant encourager l'apparition d'un terrorisme ultra-violent qui risque de perdurer.

        De l'autre coté de l'Atlantique, la violence n'est plus du coté des minorités opprimées, mais du coté d'une minorité dans la majorité blanche: les suprémacistes blancs. Compte tenu de ce que les phénomènes sociaux mettent dix ans à traverser l'Atlantique, on pourrait voir apparaître en France un mouvement inspiré de cette frange violente manipulée par les différentes théories complotistes. AU début du mouvement, avant sa récupération par l'extrême gauche, le mouvement des gilets jaunes s'apparentait au mouvement poujadiste ou au CIDUNATI. Une partie des gilets jaunes n'est pas très éloignée des « petits blancs » électeurs de Trump. Ce mécontentement des exclus de la mondialisation pourrait se cristalliser dans un nationalisme xénophobe voir raciste. On voit déjà apparaître des revendications visant à exclure les résidents étrangers en France d'un certain nombre d'avantages sociaux. Dans ces conditions, des affrontements entre suprématistes blancs et musulmans radicalisés n'est pas à exclure.

       Les paradis, qui fondent toutes les guerres de religion, sont toujours pavés de bonnes intentions. Or l'équité part toujours d'une bonne intention. Doit-on en déduire l'équité provoque la guerre de religion ? Il s'agit là bien sûr d'un sophisme absurde, mais veillons à ce qu'il ne se réalise pas en ne privilégiant pas systématiquement l'équité sur l'égalité.