Elestions Européennes :3 visions


                                                            LES 3 VISIONS DE L'EUROPE

           Depuis la signature du traité instituant la CECA en 1951, les visions de l' Europe sont diverses et il est utile d'analyser chacune d'elle pour essayer de comprendre qu'elle sera celle qui peut l'emporter dans l'avenir.

            L'Europe Fédérale.

           Le désirs des pères fondateurs est avant tout un objectif de réconciliation des peuples pour éviter un retour des guerres fratricides. Dans un premier temps il s'agit de mettre en commun un certain nombre de ressources , comme l' acier et le charbon car on pense que le protectionnisme est responsable des affrontements qui ont conduit à la guerre.L'union économique entre la Belgique et le Luxembourg (UEBL) qui s'élargira en devenant le Benelux est naturellement un exemple. L'élargissement des marchés d' approvisionnement et de vente des marchandises est un but partagé par les politiques et les hommes d' affaires. Mais pour les pères fondateurs, au delà de élargissement des marchés , le but est une intégration politique de forme fédérale qui se manifeste par le projet de la Communauté Européenne de Défense. L' échec de la CED marquera un coup d' arrêt à l'intégration politique. Ne pouvant progresser sur ce terrain, on va cependant développer au maximum les échanges intra-européens par la signature du traité de Rome.L'idée non avouée est qu'en favorisant les échanges, on va créer une communauté d' intérêts qui favorisera l'intégration politique. Pour ne pas heurter les partisans de l' Europe des nations, les fédéralistes vont avancer masqués. On ne parle plus d'intégration mais de coopérations renforcées, de convergence.

          L'Europe Confédérale

         Cette idée va être renforcée par l' arrivée du général de Gaulle au pouvoir. Le Général de Gaulle est méfiant vis vis du projet européen car il a compris qu'il portait en germe une perte de souveraineté. Le Général est partisan d'une confédération d' « états nations » et refuse le principe de décisions prises à une majorité qualifiée. C'est la raison pour laquelle il va pratiquer la politique de la chaise vide jusqu'à obtenir par le compromis de Luxembourg le maintien d'un veto national.Pour la même raison, il s'oppose à l' entrée de la Grande Bretagne car tout élargissement est vu comme une perte d' influence de la France.C'est cette même vision qui provoquera le rejet par la France de la Constitution Européenne avec une alliance contre-nature de Fillon et de Fabius.

          Malheureusement, les partisans de l' Europe des Nations n'ont jamais théorisé et développé une pensée claire de l' Europe qu'ils souhaitent. Ils restent la plus-part du temps dans la critique de ce qui existe sans expliciter les tenants aboutissants de l' Europe qu'ils disent souhaiter. Sont-ils pour l' Euro ? Sont-ils partisans d'une politique économique commune ? D'une politique étrangère cohérente ? Quelles institutions souhaitent-ils pour remplacer celles bien imparfaites qui ont été construites pas à pas ? Comme disait Marine Aubry à d'autre propos, « quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup ».

          L'Europe libérale.

         La Grande-Bretagne a souhaité entrer dans l' Europe, mais n'est pas non plus partisane d'une intégration poussée. Pour les Britanniques, l'Europe est avant tout un libre marché sans droit de douane. Partisan du marché pur et parfait, les libéraux sont hostiles à toute codification du marché, à toute réglementation supra-nationale. C'est le consommateur qui décide si un produit est bon et c'est la seule concurrence qui doit réguler le marché. Cette vision ultra-libérale s'oppose naturellement à la volonté normative de Bruxelles. La flexibilité est indispensable notamment sur le marché du travail. La monnaie est une marchandise comme une autre et l'Euro est apparu comme un monopole.

          Récemment ces critiques se sont concentrés sur l'interdiction frappant le projet Siemens Alstom. Or paradoxalement la lutte contre les monopoles est une idée ultra-libérale. Les monopoles faussent le marché pur et parfait en éliminant toute concurrence. Ce n'est par hasard que les premières lois anti-trust sont nés aux États-Unis.

          Naturellement, la mondialisation convient tout à fait aux ultra-libéraux. Cette vision libérale était fortement défendue par les mêmes milieux d' affaire qui aujourd'hui redoutent le BREXIT. Pourtant , chez les Brexiteurs, il y a en fait deux tendances contradictoires.

          La première est libérale. Pour être compétitif, il faut le moins d' État possible. On baisse les charges au maximum et le pays devient un paradis fiscal qui attire tous les capitaux.

          La seconde , totalement incompatible avec la première, souhaite le retour aux barrières douanières derrière lesquelles on produit national.

          Ces deux tendances cohabitent également chez les eurosceptiques français.



          Avec l' approche des élections européennes, il est nécessaire que les partis politiques sortent de l'ambiguïté et se prononcent clairement pour l'une ou l' autre de ces visions.

         La coalition des euro-sceptiques est un vrai danger car elle recouvre des visions totalement contradictoires. Les Républicains, le Rassemblement National et la France Insoumise sont-ils partisans de l'Europe des nations ou de l' Europe libérale ? Lorsqu'ils se plaignent de l'omniprésence des règlements de Bruxelles sont-ils d' accord pour une dérégulation ultra-libérale ? Lorsqu'ils déplorent la perte souveraineté de la France, sont-ils partisans de la sortie de l' Euro, la monnaie étant le principal outil d'une souveraineté nationale? Peux-t-on prôner une Europe sociale et revendiquer une dérégulation du marché du travail ? Il n'est pas cohérent de se plaindre des délocalisations et de l'exode fiscal alors que dans le même temps on refuse toute harmonisation du droit fiscal et du droit du travail. Si tant il est vrai que, dans un premier temps, l'harmonisation se fait en s' alignant sur le moins disant, rien n'empêche une fois celle-ci acquise de réévaluer ensemble les critères communs.

          La PAC, qui a été le véritable laboratoire en grandeur nature de la construction européenne, avait montré qu'il était vain de parler d' intégration s'il n'y avait une réglementation sanitaire commune, une monnaie commune, et une frontière commune et à l'intérieur de celle-ci une libre circulation des personnes et des biens. On a fait l' Euro parce qu'il n'était plus possible d' accepter des concurrences déloyales dues aux dévaluations de certaines monnaies par rapport à d' autres au sein même du marché unique. Mais on a mis la charrue avant les bœufs en créant une monnaie sans créer une politique économique commune. Le dicton selon lequel « qui n'avance pas recule » est parfaitement adaptée à la construction européenne. La question qui se pose maintenant est de savoir si l'on désire mettre en place cette politique économique et sociale commune et donc nécessairement accepter un certain abandon de souveraineté ou si l'on préfère se laisser bercer par les sirènes euro-sceptiques qui nous attirent vers les récifs de la mondialisation. En l' absence de ces règles, la libre circulation des biens et des personnes à l'intérieur de l'Europe revient à créer une mondialisation au petit pied au niveau européen avec son lot de distorsion de concurrence.

          La mondialisation est un fait,, la puissance des multinationales également. On peut toujours vaticiner contre cette situation. Prêcher le repli national revient à pratiquer la politique de l'autruche qui se met la tête dans le sable pour ne pas voir les superpuissances qui vont la dévorer. La guerre commerciale à coups de droits de douane nuit à nos exportations sans protéger réellement des importations. Quoiqu'il en soit, si une telle guerre commerciale se produisait, la riposte n'est envisageable qu'au niveau européen. Pour relocaliser et produire national, on a dit que la robotisation pourrait compenser les différences de coûts du travail ce qui nécessiterait des investissements très importants. Mais il n'y a aucune raison que les robots ne soient pas à leur tour exportés vers les pays moins développés. La robotisation sera mondialisée, elle aussi, et l' avantage que la robotisation pourrait accorder aux pays les plus développés ne durera qu'un un court instant.

          Vouloir transformer les élections européennes en un referendum anti-Macron n'est qu' une manœuvre politique qui n'est pas digne de respect. Être une femme ou d'un homme d État, c'est énoncer des idées, les défendre mais certainement pas les sacrifier pour un avantage politique à court terme.En conséquence si l' on croit qu' une Europe forte, unie, organisée peut seule nous protéger, les élections européennes sont l' occasion de le dire haut et fort.Si l'on est d'une opinion contraire, c'est parfaitement légitime. Mais se servir de ces élections dans un but de politique intérieur est une escroquerie.