LA DIFFICILE QUÊTE DE LA VÉRITÉ
Quand des États mentent effrontément sur le nombre de leurs morts et l' origine de la pandémie, quand des chefs d' État s'entêtent à nier la gravité de la crise sanitaire, quand un gouvernement masque son impéritie par des arguments spécieux, quand des sommités médicales s'invectivent par média interposés sur la nature du virus et l'efficacité des traitements, quand les ministres d'un même gouvernement se contredisent, quand les chaînes d'information continue saisissent la moindre actualité pour maintenir l'inquiétude, quand le désœuvrement forcé de beaucoup alimente les rumeurs, polémiques et fake-news qui fleurissent sur les réseaux sociaux, le citoyen est bien en peine de se faire une opinion et c'est la méfiance et le discrédit qui gagnent.
Pour tenter de discerner le vrai du faux, il n'est peut-être pas inutile de passer en revue les différentes modalités de tromperies qui se présentent à nous.
Il y a d'abord, et c'est le plus pernicieux, les mensonges d' États. Il s' agit soit de vouloir endoctriner ses nationaux , soit de mystifier les opinions publiques étrangères. C'est le rôle de la propagande. Il est particulièrement difficile de lutter contre la propagande d'autant que ce sont en général les états totalitaires, sans liberté d'expression, qui en font usage. La propagande des États communistes est emblématique puisqu'il a fallu des dizaines d'années après la chute de ces régimes pour que les crimes de Lénine et de Staline soient admis. Une difficulté supplémentaire vient de ce que toute contestation de cette propagande est représentée comme étant une contre- propagande des régimes opposés. Propagande contre propagande, c'est difficile pour l'individu de se faire une opinion personnelle. La facilité et la crainte l'emportera souvent au détriment de la vérité.
Les États , pour des raisons stratégiques, peuvent également laisser fuiter une fausse vérité pour cacher leurs réelles intentions. La plus efficace intoxication fut sans conteste la manière dont les alliés firent croire aux allemands que le débarquement aurait lieu à Calais. L'intoxication ne vise pas à convaincre une opinion publique mais plutôt les dirigeants d'une puissance étrangère. Une théorie intéressante soutient que l' affaire Dreyfus aurait pour origine la volonté de masquer une opération d'intoxication de l' État Major allemand par un espion français qui diffusait de fausses informations et que l'État Major français voulait absolument protéger. Ensuite la droite antisémite s'en serait emparé pour justifier la théorie du complot judéo-maçonique, comme plus tard les mêmes essaieront de nier la Shoah.
Il faut bien avouer que les fausses preuves fournies par les États-Unis pour justifier la guerre en Irak apportent de l'eau au moulin de ceux qui défendent l'idée que tout n'est que manipulation et alimentent les partisans des théories du complot. Face à une vérité que l'on refuse parce que contraire à ses convictions, on invente une pseudo réalité. Les complotistes ont mis au point une technique très efficace qui consiste à avancer une avalanche de preuves le plus souvent invérifiables, souvent contradictoires mais qui demandent trop de temps et d'énergie pour être réfutées rationnellement. La conviction se forge non sur des preuves mais sur la méfiance envers le discours officiel.
La rumeur ne fonctionne pas sur le même modèle : on ne se donne même pas la peine d'invoquer des arguments ; ce qui justifie la rumeur, ce n'est pas sa vraisemblance mais sa diffusion. Si tout le monde dit cela, c'est qu'il doit y avoir du vrai. La rumeur permet de discréditer quelqu'un qui aura d'autant plus de mal à se justifier que la rumeur se sera propagée. C'est la répétition qui entraîne l'adhésion.
Les fake-news d'internet peuvent participer de ces diverses modalités. Et c'est la raison pour laquelle il est difficile de lutter contre elles, d'autant que les techniques informatiques permettent à tout un chacun de falsifier des documents ou des photos. Certains sites ou émissions se spécialisent dans ces opérations de rétablissement de la vérité. Le problème est que souvent , faute de temps, ou parce que la démonstration est trop technique, ces réfutations ressemblent à des arguments d'autorité. On ne fonde plus son opinion sur la valeur d'une argumentation mais sur son origine. Si Untel que je respecte dit cela , alors je le crois. On voit qu'une fois encore le jugement n'est pas fondé sur le raisonnement.
Alors la tentation est forte de vouloir régenter la diffusion de la vérité. Le législateur a déjà pénalisé la diffusion de certains propos racistes ou négationnistes. Il est maintenant question d'obliger les sites internet à faire leur propre police. Pour d'autre, il faut instituer une Autorité Administrative Indépendante dont le rôle serait de vérifier la véracité des messages postés. Cela part d'une bonne intention mais c'est évidemment très dangereux puisqu'il s'agit, ni plus ni moins, de créer une censure privée. L'Inquisition partait aussi d'une bonne intention puisqu'il s'agissait des sauver les âmes même contre leur gré.
L'incohérence des gouvernants face à la pandémie actuelle risque de durablement discréditer la recherche de la vérité au profit soit du scepticisme, soit du complotisme, ce qui ouvrent un boulevard aux populistes.
La seule vraie solution réside naturellement dans l'éducation du sens critique. C'est pourquoi il faut militer pour que la controverse, comme la pratiquait les scolastiques au moyen age, redevienne une discipline scolaire. Seul l'apprentissage de la confrontation selon des règles bien définies de deux thèses opposées permet de développer un jugement rationnel. L' exposé que fait un élève ou un étudiant devrait être confronté à un contradicteur qui développerait la thèse opposée. Il ne s'agit pas d' organiser un débat dont l'un sortirait vainqueur , mais de systématiquement exposer la thèse et son antithèse. C'est ainsi que l'on devrait permettre aux génération futures de retrouver un libre arbitre.