la guerre des centres
La constitution de la Vème république a été conçue par Michel Debré sur les indications du Général de Gaulle pour mettre fin « au régime des partis » responsable de l'instabilité ministérielle de la IVème république. Le système électoral uninominal à deux tours devait favoriser un bipartisme à l' anglaise dans lequel une majorité stable soutient un gouvernement pendant toute la législature. Le moins que l'on puisse dire ,c'est que ça n'a marché qu'à moitié, car s'il y a bien eu des majorités stables, le bipartisme n'a jamais pu s'installer. Le Président, élu par un collège électoral assez important, devait être un arbitre au dessus de la mêlée.
La réforme de 1962 qui établit l'élection du président au suffrage universel bouleverse l'équilibre initial de la constitution en donnant à ce dernier une légitimité qui rivalise avec la majorité parlementaire. Tant que cette majorité est du même bord que le président, celui-ci règne sans partage. Par contre, si le Président doit cohabiter avec une majorité différente, il existe un risque de blocage que l'on a pu observer quand le président Mitterrand a refusé de promulguer les ordonnances voulues par le premier ministre Jacques Chirac.
Pour éviter ce risque de grippage, une reforme de la constitution instaure le quinquennat avec élection législative dans la foulée. Grâce à ce dispositif, le président Macron pourra disposer d'une majorité à l' Assemblée alors qu'il n'était soutenu par aucun parti constitué. Il crée La République En Marche qui est une coalition du centre gauche et du centre droit. Pour la première fois sous la Vème république, c'est le centre qui gouverne, ce qui n'est pas sans conséquences.
Le première conséquence du gouvernement par le centre, c'est qu'il pourrait paralyser l'alternance. Macron, comme tous les centristes ne peut gouverner qu'en grignotant les partis traditionnels de gouvernement sur leur gauche et sur leur droite, ce qui affaiblit ces partis qui auront du mal à redevenir majoritaires..
Comme l'avait énoncé le Président Giscard d'Estaing, la France se gouverne au centre, ce qui n'est pas la même chose qu'un gouvernement par le centre. Le gouvernement au centre signifie que les partis de gauche comme de droite gouvernent en faisant une politique de centre gauche ou centre droit mais en s'appuyant sur un parti majoritaire qui comporte un éventail d'opinions beaucoup plus large sur sa droite ou sur sa gauche. Si ce parti majoritaire n'est pas reconduit, c'est le parti de l'opposition qui le remplace au pouvoir, mais qui gouvernera également au centre. Ainsi, même si les politiques ne sont pas très différentes, il existe une alternance des hommes qui gouvernent. Le danger de ce système de gouvernement au centre, c'est que les politiques étant assez semblables, les électeurs qui veulent du changement se reportent sur les partis extrêmes ce qui affaiblit les partis de gouvernement de gauche comme de droite.
Le gouvernement par le centre s'appuie au contraire sur une coalition du centre droit qui grignote la droite et du centre gauche qui affaiblit la gauche. Dés lors la droite comme la gauche peuvent avoir du mal à redevenir majoritaires puisqu'elles sont également affaiblies sur leurs centre et sur leurs extrêmes. Le risque est de perdre toutes possibilités d'alternance. L'alternance étant plus difficile, un gouvernement du centre peut rester indéfiniment au pouvoir. Cette permanence des hommes au pouvoir est dangereuse car elle entraîne au bout d'un certain temps des phénomènes de corruption qui renforce encore les extrêmes.
Si Macron gagne la présidentielle, le véritable test sera le résultat des élections législatives qui suivront. Soit Macron gagne les législatives, le centre est au pouvoir pour vingt ans. Pour cela il faut que LREM arrive à se constituer en véritable parti centriste implanté localement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui au regard des dernières élections partielles. Soit Macron perd sa majorité à la chambre des députés, et il est alors probable qu'aucun autre parti ne sera majoritaire. On assistera alors à d'éphémères cohabitations sans majorité, ce qui risque d'entraîner une vraie crise de régime et le retour à une instabilité gouvernementale de type IVème république..
Il est plus prudent d'arrêter cette expérience du gouvernement par le centre et redonner la possibilité d'un gouvernement au centre en votant pour Valérie Pécresse puisque c'est la seule qui est capable de battre Macron au second tour.