LE DROIT ET L'URGENCE SANITAIRE


      L'état de crise sanitaire aiguë provoqué par le covid 19 a soulevé un certain nombre de questions de droit auxquelles il est important d' apporter une réponse. Peut-on imposer le port du masque ? Peut-on faire une déconfination différenciée ? Peut-on confiner de force un porteur non-symptomatique du virus détecté par test. Peux-on imposer un test à quelqu'un qui le refuse ? Peut-on confiner contre son gré toute une famille au motif qu'un de ses membres est contagieux ? Peut-on tracer quelqu'un de manière obligatoire ?On pourrait allonger cette liste de questions auxquelles la préservation de la santé demanderait sans conteste une réponse affirmative, ce qui n'est pas sans entraîner de graves violations des droits de l' homme.

      La question du port obligatoire du masque a été en partie tranchée par le Conseil d' État. Le maire de la Ville de Sceaux avait pris un arrêté imposant le port du masque. Il est censuré par le Conseil d' État qui estime que le maire devait justifier de circonstances locales particulières et que son arrêté nuisait à la cohérence des mesures nationales et messages de prévention. Cet arrêt doit être critiqué car , d'une part c'est le gouvernement qui a tergiversé d'une manière incohérente au sujet des masques, et d'autre part ce même gouvernement souhaite précisément une décentralisation de la dé-confination. Où est la cohérence ?

      Le dé-confinement qui va se faire en tenant compte des circonstances locales peut-il être différent selon les classes d'âges ? Bien évidement, les septuagénaires et au delà sont plus fragiles. Peut-on pour autant imposer une discrimination en raison de l'âge ? Les constitutionnalistes n'allaient-ils pas déférer cette mesure devant le conseil Constitutionnel ? Le gouvernement ne s'y est pas risqué et il a eu raison, car , alors, il fallait également discriminer les obèses, les diabétiques , les cardiaques etc. Par contre les fumeurs auraient pu revendiquer un assouplissement en raison de leur plus grande résistance causée par la nicotine ! De même pour les femmes puisqu'il semble que les deux sexes soient inégaux devant le risque de contamination.

     Les tests posent une série de questions plus difficiles. La première est de savoir si l'on peut obliger quelqu'un à subir un test ? Le gouvernement penche à juste titre pour le volontariat. Mais dans des circonstances particulières, notamment si la distanciation est impossible, un employeur pourrait obliger ses salariés à subir un test pour des raisons de sécurité pour laquelle il a une obligation de résultat. Le refus du salarié devrait pouvoir entraîner une sanction.

     Mais qu'arrive-t-il si le salarié est positif ? Bien entendu le salarié sera mis en arrêt maladie ; mais peut-on l'obliger à se confiner une fois que le confinement général sera levé , et dans quelles conditions ? Peut-on le contraindre à se séparer de sa famille ? Doit-on confiner sa famille de force? La Loi d'urgence sanitaire autorise le premier ministre à ordonner par décret le confinement. Fera-il usage de ce pouvoir envers les testés positifs lorsque les tests vont se généraliser ?

     Les mêmes questions se posaient à propose du traçage par téléphone même volontaire.Là aussi, face à une incertitude juridique et aux inquiétudes nées d'une possible conservation des données, on s'oriente vers un traçage moins efficace par des enquêteurs.

     On voit bien que toutes ces mesures, certainement justifiées sur le plan sanitaire sont plus ou moins compatibles avec le respect des droits de l'homme. L'expérience a montré que les régimes communistes ont abusé du droit sanitaire pour enfermer d'office les contestataires en hôpital psychiatrique au motif qu'il fallait être fou pour contester le bien fondé de ces mêmes régimes.

     C'est la raison pour laquelle, toute mesure privative de liberté, même prise pour un motif louable doit être sévèrement encadrée,et nécessairement temporaire .

      Sur les conseils des médecins, on a vu l' extrême prudence du gouvernement vis a vis des solutions médicales proposées. Il est indispensable qu'il écoute de la même manière les juristes et face preuve de la même prudence avant de prendre toutes mesures restreignant les libertés publiques. Ne pas oublier que toutes ces restrictions à nos libertés sont susceptibles de tomber entre les mains de dirigeants sans scrupules . Certains régimes tyranniques ont montré par des mesures dictatoriales qu'ils étaient plus efficaces pour lutter contre la pandémie. Cela ne justifie en rien qu'on les imite.