le jeu de massacre de la V° république


      Depuis que le président Macron a perdu sa majorité absolue à la chambre des députés, les oppositions se rejoignent pour vilipender l'usage du 49-3. L'attaque en règle contre cet article de la constitution ne date pas d'hier et trouve son origine dans la volonté de certains courants politiques minoritaires au sein de coalitions, qui, sachant qu'ils ne seront jamais majoritaires, veulent garder leurs capacités de nuisance.

      Cet alinéa maintenant honni de la constitution avait été voulu par Michel Debré pour lutter contre l'instabilité ministérielles, véritable plaie de la IV° République. La plupart des gouvernements de l'époque étaient des gouvernements de coalitions, de centre gauche ou centre droit, avec de très faibles majorités. Pour faire tomber un gouvernement, il suffisait à des minorités au sein de la coalition gouvernementale de s'abstenir de voter pour que l'opposition devienne majoritaire et renverse le gouvernement. Les abstentionnistes s'en tiraient à bon compte car ils n' avaient pas formellement voté contre la coalition dont ils faisaient partie. Ils pouvaient donc se prétendre innocent de la chute du gouvernement et ainsi participer au gouvernement suivant !

       C'est pour lutter contre cette pratique qu'a été instituée la motion de censure. Lorsque le gouvernement estime qu'il pourrait devenir minoritaire sur un texte primordial, il lui suffit de poser la question de confiance. Dés lors, l'opposition doit déposer une motion de censure qui doit obtenir la majorité pour que le gouvernement tombe. Ainsi l'abstention favorise au contraire le gouvernement en place et ceux qui veulent le renverser doivent l'exprimer sans ambiguïté.

      Il n'y a rien d'anti-démocratique dans cette disposition contrairement à ce que prétendent beaucoup. Des gouvernements de gauche comme de droite ont usé de cette faculté au détriment de certains frondeurs qui auraient aimé pouvoir continuer le petit jeu de massacre en usage sous la IV eme. Beaucoup rêvent en secret de cette époque bénie où un parti charnière de dix députés pouvait dicter sa loi. Ce sont les mêmes qui militent pour une élection à la proportionnelle. Le Président Hollande a commencé à discréditer de 49-3 en restreignant son usage pour calmer les frondeurs et écologistes qui voyaient bien que cet article les privait de toute influence réelle.

      Si l'on estime que le 49-3 est antidémocratique, mais que l'on veuille cependant garantir une stabilité démocratique reposant sur une majorité stable, il faut alors instituer un vrai bipartisme à l'anglaise qui ne serait possible qu'avec un scrutin majoritaire à un seul tour ce que le Général de Gaulle n'a pas osé en 58.

       Or la doxa actuelle penche plutôt pour la suppression du 49-3 et en même temps que pour un scrutin à la proportionnelle, ce qui signifierait, en fait, la fin de la cinquième République. Le Président, élu au suffrage universel, perdrait en fait tout pouvoir face à des majorités faites coalitions incertaines à la Chambre des Députés devant laquelle son premier ministre sans 49-3 serait à la merci de groupuscules minoritaires.

         Pour couronner le tout, des conventions citoyennes composées de membres tirées au sort et manipulées par des experts sans légitimité aucune et viendront contester la bien-fondé des décisions prises par les représentants du peuple.

         Si l'on voulait mettre en œuvre une entreprise de démolition de la République, on ne s'y prendrait pas autrement. On doit donc impérativement stopper au plus vite ces manipulations constitutionnelles qui mettent en danger la démocratie. Mais cette vérité n'est pas bonne à dire : trop de minorités y perdraient l'espoir de jouer un rôle politique et d'imposer leurs desiderata. Alors on continue le jeu de massacre de nos institutions.