L'EGOCRATIE
L'humanisme occidental issue de la philosophie des lumières, énonce que droit prime sur tout le reste. Ce droit, confirmé par la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 , sacralise l'égalité des droits pour tous. La tradition chrétienne a rajouté la notion de respect de la personne qui prône un minimum vitale nécessaire à l'épanouissement de chacun. C'est la distinction entre les « droits de » (liberté d'expression , d'aller et venir etc) et les « droits à » ( droit à une protection sociale, à la santé, à l'éducation etc). Aucun individu ne peut être privés de ces droits par la force. Or cette conception démocratique est menacée à l'extérieur et à l'intérieur.
Ces belles idées sont en effet battues en brèche par tous les régimes autoritaires qu'il s'agisse de leurs politiques intérieures ou extérieures. A l'intérieur, c'est la répression policière avec la censure et des détentions arbitraires. A l'extérieur c'est l'impérialisme, c'est à dire la domination d'une population contre son gré. Ces régimes autoritaires peuvent être classées en deux catégories selon les motivations qui les gouvernent. Les idéocraties obéissent à un idéal ,alors que pour les égocraties, il s'agit avant tout pour le tyran de se maintenir au pouvoir. Le nazisme, le stalinisme, le maoïsme, l'islamisme appartiennent à la première catégorie. Les régimes mis en place par Poutine, Erdogan ou Xi Jinping à la seconde. Dans les égocraties, le cynisme remplace l' idéal et absolument tout est permis : répression à l'intérieur, impérialisme à l'extérieur.
L'impérialisme des régimes egocratiques peuvent obéir à deux motivations : soit ils recherchent dans la guerre un bénéfice personnel par la gloire qu'ils espèrent en retirer, comme ce fut le cas pour Mussolini en Abyssinie. Soit ils craignent une contagion idéologique comme ce fut le cas de la première coalition (Prusse-Autriche) contre la France en 1792 et comme c'est le cas de Poutine en Ukraine qui craint par dessus tout une contamination démocratique qu'il a déjà aidé à réprimer au Kazakhstan et en Biélorussie.
Face à une agression impérialiste, la réaction habituelle de l'agressé est le nationalisme. Il faut glorifier la nation menacée et poursuivre les traîtres quitte à limiter certaines libertés comme ce fut le cas avec la terreur. La haine de l'ennemi devient viscérale et le fondement des relations extérieures. Si l'agressé devient vainqueur, il risque alors de tomber à son tour dans l'impérialisme et le vaincu dans le nationalisme comme ce fut le cas entre l'Empire et la Prusse. C'est également ce cercle vicieux qui s'est installé après le traité de Versailles et que la construction européenne a permis d'éviter après la seconde guerre mondiale. C'est également ce à quoi le Président Macron faisait allusion lorsqu'il disait qu'il fallait s'abstenir d' humilier la Russie.
A l'intérieur de ses frontières, l'idéal démocratique est menacé par tous ceux qui en contestent le bien fondé au motif que cette société n'est que la résultante de l'impérialisme du mâle blanc. Selon eux, la politique, la culture, l'éducation ne sont que des moyens mis en œuvre pour soumettre les minorités raciales, culturelles ou religieuses. Il faut donc casser toutes ces superstructures asservissantes et déconstruire la société. Pour lutter contre cet impérialisme du mâle blanc, s'est développé en réaction un extrémisme qui a tous les caractères du nationalisme: sublimation du groupe, dramatisation des humiliations subies, anathème sur les oppresseurs, éviction des dominateurs et restriction de leurs droits au profit des opprimés. Mais contrairement au nationalisme qui tend à renforcer la cohésion nationale, la cancel culture en glorifiant la diversité détériore les rapports sociaux et alimente la rancune. En réaction à ces accusations parfois fondées, les mâles blancs, à leur tour, vont défendre bec et ongles leurs prérogatives en renforçant leur pression sur les minorités. Ainsi la haine devient le moteur premier de la société. Il sera difficile de sortir de cet autre cercle vicieux. Le Wokisme pourrait ainsi entraîner une réaction ultra-conservatrice suprémaciste et nationaliste.
Tous les activistes extrémistes du woke en contestant la société occidentale, se comportent doublement en alliés objectifs des régimes autoritaires : d'une part ils affaiblissent les démocraties de l'intérieur, et d'autre part ils renforcent les dictateurs qui se servent des outrance de ces théories pour ridiculiser l'image des démocraties.
A l'intérieur, comme à l'extérieur, seule le respect de la règle de droit est un échappatoire à la haine, à la triple condition que cette règle de droit s'applique de manière uniforme à tous, que toute violation entraîne une sanction quelques soient les motifs qui aient pu justifier cette violation et que cette règle ne puisse être changée que par la majorité sans discriminer la minorité.