Macron se saborde avec l' Etat profond


     Il est pour le moins paradoxal de constater que la notion d' État profond est utilisée à la fois par le président Macron et par les électeurs déçus de Trump. Certes l'acceptation du terme n'est pas tout à fait la même des deux cotés de l' Atlantique.

     Pour les Q Anonistes, partisans de Trump, le deep state constitue une conspiration d'intellectuels et de financiers implantés dans le gouvernement, représentant une caste privilégiés et pédophiles s'opposant à la réélection de Trump.

     De ce coté de l'Atlantique, le terme d'état profond désigne une inertie des hauts fonctionnaires qui résistent aux politiques pour paralyser les réformes qui ne leur plaisent pas et imposer une gestion comptable étriquée. Ce phénomène de résistance de la haute administration n'est pourtant pas nouveau puisque le ministre Alain Peyrefitte le dénonçait déjà en 1976 dans « le mal français » .

       Le seul point commun entre les deux phénomènes est qu'ils participent d'une forme de théorie de complot et on ne peut que regretter que le Président Macron se soit fait le complice d'une telle théorie en dénigrant les hauts fonctionnaires.

      La mode est en effet de tomber à bras raccourcis sur notre haute administration, trop élitiste, trop uniforme sur le moule de l'ENA. Cet entre-soi est souvent dénoncé par de hauts fonctionnaires ou hommes politiques parvenus au sommet par d'autres voies, ce qui démontre bien que le phénomène de l'Énarchie n'est pas si hégémonique qu'ils veulent bien le dire.

      Certes, les heureux lauréats du concours de l'ENA appartiennent pour la plupart à des milieux favorisés. Mais ce qu'il faut alors critiquer, ce n'est pas que ce concours soit élitiste, ce qui est dans la nature de tous les concours, mais c'est que notre système d 'éducation ne permette plus aux personnes issues de milieux défavorisés d'accéder au niveau de ce concours. Supprimer l' ENA, c'est ce couper le bras au lieu de soigner l'infection du petit doigt. Le haute fonction publique française, que beaucoup de pays nous envie est l'aboutissement d'un mouvement initié sous Clovis, amplifié sous Colbert et organisé sous Napoléon qui tend à rendre l'application de la Loi identique pour tous et partout sur le territoire français même si cela heurte des particularismes locaux. Les décentralisations , déconcentrations et autres régionalisations ne sont que des caches-sexes pour des potentats locaux qui veulent se désolidariser de mesures impopulaires mais nécessaires afin d'essayer d' être réélus. Il suffit d'effectuer un voyage inter-départemental hors autoroute pour se rendre compte de l'ineptie des décisions trop locales : la même route, nationale ou départementale verra sa vitesse maximale autorisée passer de 80 à 90 km/h alors que sa dangerosité est la même.

     Que l'on sache, la gestion du COVID par les ARS ( agence régionales de santé) n'a pas brillé par son efficacité au point qu'il a été envisagé d' avoir recours à l' armée, organisation la plus centralisée qu'il soit. L'exemple d'Angela Merkel, obligée d'endurer un marathon de 17 heures avec les dirigeants des différents Landers pour obtenir une politique sanitaire cohérente n'est pas un exemple très convainquant des bienfaits du fédéralisme.

      Les mêmes qui se plaignent des lourdeurs administratives françaises devraient aller faire quelques démarches chez nos amis Suisse. D'un canton à l'autre, la réglementation n'est pas la même et l'autorisation que l'on a pu avoir dans un canton ne sera plus valable dans le canton voisin. Les Suisses s'en accommodent, mais je ne suis pas certains que les français apprécieraient que ce qui est autorisé à Marseille puisse être interdit à Toulon.

      Le vérité est que , à de très rares exceptions prés, les hauts fonctionnaires sont honnêtes, compétents et possèdent le sens de l'intérêt général. Ils ne sont pas, comme les politiques, obnubilés par leur réélection. S'il est vrai qu'ils peuvent parfois préférer faire compliqué alors qu'il était possible de faire simple, c'est souvent qu'ils veulent s'adapter au plus juste à des situations parfois complexes. S'ils peut leur arriver de s'opposer à un avant-projet gouvernemental, c'est souvent que celui-ci n'est pas abouti. Et si les politiques veulent vraiment imposer une mesure, ils ont tous les moyens d'y parvenir comme l'a démontré le Président Macron qui a su résister à la pression de toute l'administration de la santé. Alors, Messieurs les politiques, cessez de vous cacher derrière votre petit doigt et assumez vos responsabilité au lieu de vous disculper en accusant un soi-disant État profond, car en refusant vos responsabilités, vous faites le jeu des complotistes. A la vielle des élections, alors que les politiques sont déjà bien décrédibilisés, c'est un véritable sabordage auquel se livre le Président Macron.