Me too et la justice

          Avec le mouvement Me Too, les révélations concertant les vedettes du monde politique et médiatique se multiplient et les têtes commencent à tomber parfois au mépris de la présomption d'innocence . Certaines ultra-féministes vont jusqu'à revendiquer une présomption de culpabilité, ce qui , bien évidemment, serait une régression inacceptable de notre droit qui ne serait pas sans rappeler les heures sombres pendant lesquelles la seule appartenance à une race ou une religion justifiait dans un premier temps toutes les vexations et spoliations avant de devenir un passeport pour la mort . Le mâle blanc ne doit devenir un bouc émissaire sacrifié sans jugement. Le lynchage, fût-il médiatique, est inqualifiable même si le présumé agresseur apparaît comme une fripouille perverse. Notre système de droit repose sur l' idée qu'il vaut mieux vingt coupables en liberté plutôt qu'un innocent en prison .Il faut toujours garder en mémoire les errements dans les affaires d' Outreau ou de Dominique Baudis. Le luxe de précautions prises par les juges peuvent expliquer les ressentiments des victimes dont la plainte n'a pu aboutir. Tant que la justice ne disposera pas de moyens sûrs pour confronter les témoignages contradictoires ( détecteurs de mensonge fiable, sérum de vérité etc), la parole de la victime doit être vérifiée car il est fondamental dans un état de droit que le doute profite toujours à l'accusé. Si l'on accepte de piétiner ces principes fondamentaux, protégeant les accusés, pourquoi ne pas rétablir la question et les lettres de cachets qui servaient a emprisonner les séducteurs ?

      A juste titre, les victimes réclames une meilleure écoute de la part des autorités policières et judiciaires bien que de grands progrès aient été faits, mais il demeure de nombreuses difficultés dont les enquêteurs doivent tenir compte.

       La première des difficultés tient au silence souvent prolongé des victimes elles-mêmes. Honteuse à tors de ce qu'il leur est arrivé, les victimes tardent souvent à dénoncer leurs agresseurs. Il existe souvent chez elles le désir de refouler le souvenir des sévices subis. Elles culpabilisent le fait de n' avoir pas su résister. Souvent, elles se sentent souillées et craignent que cette souillure ne les dévalorise aux yeux de leur entourage. Il faut beaucoup de courage pour dénoncer de tels faits car l'enquête nécessitera forcement des questions qui feront revivre ce mauvais souvenir jusque là refoulé.

        Souvent, les victimes ne parviennent à trouver le courage de parler que trop tard quand le délai de prescription est épuisé. C'est la raison pur laquelle certaines féministes réclament soit un allongement de ce délai, soit même une imprescriptibilité. Or il est à craindre que cela ne serve pas à grand chose. Au delà d'une certaine durée, la recueil des preuves nécessaires à une condamnation sera bien difficile. Plus de preuves médicales possibles, témoignages imprécis et sujets à caution parce que portant sur une période trop ancienne, reconstitutions souvent irréalisables en raison de la modification des lieux, tout cela risque d'aboutir à un non-lieu ou une relaxe au bénéfice du doute faute de preuve vraiment probante. Pour la victime, il n'est pas certain qu'une telle issue ne soit pas pire que tout.

        La seconde difficulté rencontré vient souvent du silence gardé par la victime au moment de l'agression . Face à une attaque, on rencontre trois attitudes: la résistance, la fuite et lorsque ces deux premières solutions paraissent impossibles, la sidération. Si la victime se débat, crie, et donne des coups, l'agresseur souvent cédera et la victime parviendra à s'enfuir. Mais plus la victime est jeune et l' agresseur imposant, plus elle se sentira impuissante et glissera dans un état de sidération. Analysé pendant la guerre de 14-18 chez des soldats confrontés à un danger de mort immédiat, les soldats les plus courageux peuvent ainsi sombrer dans une véritable léthargie. L'esprit se vide et le corps devient inerte. Les psychiatres expliquent que, devant une situation extrême, totalement inconnue et sans issue, la sécrétion des hormones de stress devient si intense que le système cardiovasculaire risque de ne pouvoir y résister. Pour éviter cette surtension, le cerveau émet alors une substance qui va faire disjoncter le circuit émotionnel et ce qui va inhiber toute réaction de la victime. Il est nécessaire de tenir compte de cet état de sidération et ne pas interpréter une absence de réaction de la victime comme un consentement tacite. C'est pourquoi la surprise est retenue comme élément constitutif de l' infraction sexuelle.

         Comme ne cessent de le répéter les professeurs de droit, il est très important de bien comprendre que le dicton « qui ne dit mot, consent » est une inexactitude gravissime. Le consentement pour être valable doit obligatoirement être explicite et en l' absence de consentement explicite, on est en présence soit d'une sidération, soit d'une contrainte.

       La passivité de la victime peut en effet être dicté par la peur de représailles en cas de refus. C'est le cas classique du petit chef qui abuse de ses employées sous la menace plus ou moins exprimée de leur faire perdre des avantages. Si la menace n'est pas expressément faite, elle sera difficile à prouver pour la victime. et la contrainte ne pourra qu'être déduite des positions hiérarchiques des deux parties.

       Quand un consentement est donné par la victime dans l'espoir d'obtenir un avantage supplémentaire, la contrainte ne peut être retenue. Dans ce dernier cas, lorsque l' avantage promis n'est pas obtenu, l'espérance se transforme en frustration et le sentiment de s'être fait abuser peut provoquer une rancune tenace pouvant aboutir à une présentation fallacieuse des faits. Les agresseurs se servent souvent de cet argument pour se disculper.

Parfois l'agresseur, pour se donner bonne conscience, se persuade qu'il va pouvoir donner du plaisir à la personne harcelée.

       Il est donc primordiale que l'on casse l'image trop souvent répandue dans les mauvais films et mauvais romans de l' héroïne qui d'abord résiste et qui finit par succomber aux pressions insistantes d'un bellâtre en mal de virilité. La première règle à inculquer lors des cours d' éducation sexuelle est d'expliquer l'impérieuse nécessité d'un consentement réciproque et explicite sans fausse pudeur. Un baiser volé ou une main baladeuse doivent être stigmatisés comme des signes d'une méprisable goujaterie et don Juan doit être montré comme un pervers narcissique et non comme un héros séducteur.

       Les viols, agression et harcèlement sexuels sont inexcusables mais ils ne sauraient justifier les excès médiatiques auxquels on assiste aujourd'hui et ne sauraient être une solution acceptable pour réparer le préjudice des victimes. La seule vraie solution est dans l' éducation dés le plus jeune âge au respect de l' autre. Au lieu d'y voire des marques de sexisme, l'apprentissage de la politesse et de la galanterie doivent être un rempart efficace contre la muflerie et l'indélicatesse des hommes . Le respect n'interdit pas la passion mais celle-ci, aussi forte soit-elle n'excuse pas la brutalité.