NE PAS DESTABILISER LA JUSTICE .

      Lorsque le sage montre la lune , l'imbécile regarde le doigt. De même, lorsque le sage dénonce une violence extrême, l'imbécile s'en prend au juge. Deux récentes affaires ont ainsi déchaîné des commentaires imbéciles de certains éditorialistes.

      Dans la première affaire, la Cour de Cassation s'est prononcé pour l'irresponsabilité d'un meurtrier féroce et sadique. Ce crime est d'autant plus odieux qu'il est dicté par l'antisémitisme d'un fanatique odieux. Les juges ont considéré que son auteur n'était pas susceptible d' être condamné en raison d'une bouffée délirante ayant totalement aboli son discernement au moment des faits. Autrement dit les juges ont estimé que l' auteur était complètement fou et ils ont donc appliqué le droit qui dit qu'un fou n'est pas responsable de ses actes et ne peut donc être sanctionné. Doit -on les blâmer d'avoir appliqué la Loi ?

     Pour en venir à cette conclusion, les juges se sont appuyés sur plusieurs expertises psychiatriques concordantes retenant l'abolition totale du discernement sauf une qui ne retenait qu'une altération du discernement. Les juges ne sont pas des psychiatres. Ils n'ont aucune qualité pour savoir si un individu est fou, à moitié fou ou s'il s'agit d'un simulateur. Ils ont donc recours à des experts spécialistes dont ils suivent les avis , ce que les juges ont fait à trois reprises dans cette affaire. La responsabilité du diagnostique revient aux experts, mais étrangement, personne ne leur reproche leurs expertises. Pourtant il y a peut être des choses à dire sur cette notion de bouffée délirante et sur ses causes. En l' espèce, l'usage répété du cannabis pourrait être à l'origine du trouble. D'une manière étrange , ce sont souvent les mêmes qui militent pour la légalisation du cannabis qui se sont le plus révolté contre cette décision de justice en prétendant que l'arrêt de la Cour de Cassation faisait de la consommation de cannabis une circonstance atténuante, alors que la Cour n'a fait que reprendre ce que disaient les experts, à savoir que la consommation habituelle de cannabis pouvait rendre fou. Qu'en pensent les médecins qui militent pour l'usage thérapeutique du cannabis comme analgésique ? Les personnes en soins palliatifs qui reçoivent ce traitement sont-elles sujettes à des bouffées délirantes ? La question est donc bien d'ordre médical et non judiciaire.

     Il est donc plus que probable que l'auteur de ce crime sordide était fou avant de prendre sa drogue. L'irresponsabilité prononcée paraît donc justifiée. Certains s'en offusquent en prétendant qu'il sera très vite libéré par l' hôpital où il va être enfermé. Outre que c'est faire une mauvaise querelle aux psychiatres en pensant qu'ils sont incapables d' apprécier la dangerosité d' un individu, l'alternative d'un emprisonnement de longue durée serait bien pire en terme de récidive. En admettant que l' auteur de ces faits soit condamné à perpétuité assortie d'une incompressibilité, il sortira forcement à l'issue de sa peine de prison qui ne peut excéder 27 ans, et là, il n' y aura personne pour se prononcer sur sa dangerosité qui se sera certainement accrue en raison de l' absence de soins réels , malgré les efforts du système pénitentiaire qui doit déjà faire face à une population carcérale dont on estime que 30% est plus ou moins démente et maintenue dans une camisole chimique qui cesse avec la libération .

     La seconde levée de boucliers concerne les verdicts prononcées suite à la tentative d'autodafé de policiers enfermées dans leur voitures. Ce que beaucoup de commentateurs oublient de souligner dans leurs mise en accusation des juges, c'est que , sans doute dans un ressentiment assez légitime, les policiers ont un peu chargé la barque et que les procès-verbaux d' interrogatoires ne correspondaient pas exactement aux enregistrements de ces mêmes interrogatoires. Que les policiers victimes soient amers que justice n'aie pu leur être rendue, on peut le comprendre, mais delà à instruire un procès contre les juges, il y a un fossé que les commentateurs ne devraient pas franchir car en fragilisant l'institution judiciaire, c'est la démocratie qu'ils malmènent.

     Le seul vrai sujet que ces affaires devraient évoquer, c'est celui de l' extrême violence. On ne peut à cet égard que recommander la lecture du livre du Professeur Maurice Berger « sur la violence gratuite en France»

     Ce psychiatre qui a exercé de longues années dans des Centres d' Éducation Renforcée explique que 60% des adolescents sujets à des crises d'extrême violence ont été entre 6 mois et 24 mois exposés à des violences familiales. Il explique que l'enfant a besoin d'être sécurisé par un adulte qui l'apaise lorsqu'il est stressé. A défaut il devient angoissé et son corps secrète l'hormone cortisol qui va endommager la zone de régulation des émotions et notamment de la colère. L'enfant est alors submergé par ses émotions et ne peut plus penser. Cet état est renforcé si l'on ne s'occupe pas du tout jeune enfant, si l' on ne joue pas avec lui et s'il ne reçoit jamais de câlins. L'échec scolaire de l' enfant qui ne sait pas s'exprimer vient naturellement renforcer cette tendance à la violence non contrôlée.

     Le professeur Berger explique également que la notion de clanisme est à préférer à celle ghettoïsation. La règle du clan s'impose dans toute sa brutalité et le membre du clan n'a plus de libre arbitre. L'éducation clanique , c'est obéir aux règles du groupe et y rester enfermé. Dans l' affaire de la tentative criminelle contre les policiers, ce que la mafia locale ne pouvait accepter, c'est que l'endroit où a eu lieu cette tentative d' assassinat était depuis longtemps un emplacement de deal et de racket. La voiture de police stationnée à cet endroit dérangeait la mainmise du clan sur le quartier. Les membres du clan ont alors donné libre-cours à leurs pulsions de violence.

     Plutôt que de vilipender des magistrats qui ne font qu' appliquer la Loi, il est donc bien préférable de réfléchir à des solutions éducatives et sociales pour empêcher ces violences extrêmes et briser l'emprise des clans. Elles ne sont pas faciles à mettre en œuvre. Alors faute solution évidente, il plus facile de critiquer les juges.