Non, c'est non
La Cour de révision vient d' examiner une demande de réhabilitation d'un homme accusé de viol en 98 , condamné en 2003 et dont l' accusatrice s'était rétractée en 2017. Il aura fallu 24 ans pour réparer cette erreur judiciaire ! On imagine aisément le calvaire vécu par cet homme.
Ce cas n'est pas sans rappeler quelques affaires anciennes dans lesquelles les accusations multiples se sont effondrées. Le député- maire Dominique Baudis a ainsi été confronté à un flot d' accusations fallacieuses avant que la justice de s' aperçoive de l'inanité des accusations le concernant. Dans l'affaire d'Outreau, le juge d'instruction a été abusé par des témoignages d' enfants dont tous les psycho-pédiatres affirmaient qu'ils ne pouvaient mentir. Heureusement les avocats de la défense ( dont Me Dupont-Moretti) ont pu démontrer qu'il s'agissait pour certains d' affabulateurs.
Malheureusement il arrive en effet que les enquêteurs soient parfois confrontés à des victimes qui fabulent , qui mentent pour se venger, ou pour obtenir un avantage en faisant du chantage. C'est pourquoi ils font preuve d'une grande prudence qui, parfois, peut être perçue par les victimes comme de la défiance. Avec Voltaire, il faut continuer d'affirmer qu'il vaut mieux dix coupables en liberté qu'un innocent en prison.
Pour faire face à ces difficultés, certaines militantes néo-féministes n'hésitent pas à réclamer une présomption d'innocence pour les victimes de viols et agressions sexuelles . Cette demande n'a aucun sens puisque la victime n'est l'objet d'aucune poursuite. Pour bénéficier de la présomption d'innocence, il faudrait que la victime soit elle-même accusée. Autrement dit, c'est présupposer qu'elle aurait commis un faux témoignage, et que, en tant soupçonnée, elle puisse se targuer de la présomption d' innocence. Cette revendication aurait donc pour effet de laisser croire que la victime est une menteuse. C'est exactement l'effet contraire de celui recherché.
On a également parlé de présomption de véracité pour les victimes, ce qui reviendrait à dire que la victime serait crue tant que l'accusé n'aurait pas apporté la preuve contraire. C'est une véritable inversion de la charge de la preuve. La victime n'aurait plus à prouver quoique ce soit et il reviendrait au seul accusé d'apporter la preuve de son innocence. Bien entendu cela est contraire à tous les principes du droit. Cela équivaudrait a établir une présomption de culpabilité à l'encontre de la personne accusée.
La seule revendication raisonnable en la matière, c'est d'œuvrer pour que la victime bénéficie de bienveillance lors du dépôt de plainte. La victime doit être écoutée avec compréhension tant que l' enquête n'apporte pas d'éléments contraires tenant soit au manque de crédibilité de la victime, soit à l' invraisemblance des faits allégués. Depuis quelques années, la police a fait d' énormes progrès en ce sens. Des enquêteurs et enquêtrices ont reçus des formations spéciales et la caricature du policier sceptique soupçonnant la victime de l'avoir bien recherché doit appartenir à un passé révolu.
La solution n'est donc pas de d'octroyer une pseudo présomption de vérité au victimes ; ce qu'il faut changer, c'est la perception que la victime a de ce qui lui est arrivé notamment en terme de réprobation sociale. Il faut que la victime cesse d'avoir honte et qu'elle n'aie plus peur d'être considérée comme étant déshonorée. Toute une culture patriarcale fait encore peser la faute sur la fille « déshonorée », comme si elle portait une part de culpabilité dans le fait d'avoir été violée. La victime d'un chauffard , d'un voleur ou d'un escroc ou d'un attentat terroriste ne se croit pas déshonorée ; pourquoi la victime d'un agresseur sexuel ressent-elle de la honte ? Probablement parce que, depuis la nuit des temps, le mâle recherche la certitude de la fidélité de sa compagne pour s'assurer de bien transmettre ses caractères héréditaires. C'est pourquoi la femme agressée subit la même réprobation machiste que la femme infidèle. La fille déshonorée était au mieux confinée dans un couvent, au pire lapidée. Il est primordial de lutter contre cette animosité présente dans l'inconscient collectif de beaucoup de sociétés. La mise au ban de la société est encore trop souvent le sort réservée aux victimes de viol. La peur de l'ostracisation explique en partie les réticences à dénoncer l'agresseur et le recours à des dénonciations anonymes sur les réseaux sociaux. C'est contre cette réprobation qu'il faut lutter.
La réprobation doit naturellement frapper l' agresseur et non la victime qui doit être respectée. Pour obtenir ce respect envers la victime ,il faut souligner le courage dont elle a du faire preuve pour oser dénoncer son agresseur et ainsi s'exposer à la réprobation. Il faut admirer la victime au lieu de s'apitoyer. Il faut louer son courage et non la plaindre. Car s' apitoyer sur quelqu'un c'est déjà une forme d'humiliation ; on ne s'apitoie que sur le vaincu.
Venu des États-Unis avec le mouvement "me too," le slogan « balance ton porc » est à l'origine d'un déferlement sur internet de dénonciations pour harcèlements sexuels, agressions et viols. Beaucoup de dénonciations se rapportent à des faits très anciens souvent prescrits qui sont contre-productives en ce qu'elles aboutiront à des classements sans suite, renforçant alors le sentiment d'impunité pour la victime.
Ce slogan a le mérite de disqualifier l'agresseur mais il est inefficace en ce que dénoncer sur les réaux sociaux n'est pas gratifiant pour la victime et aboutit à un véritable pilori médiatique pas forcément mérité. Il faut de plus noter que l'indignation en la matière est à géométrie variable selon l'appartenance politique de la victime et de l'auteur. La multiplication de ragots ou les dénonciations par des victimes anonymes ne peuvent constituer un commencement de preuve pour procéder à lynchage médiatique.
En Espagne, El Cobrador est un encaisseur d'impayés qui fait tout pour être très visible dans son frac et qui se contente de se présenter à l'improviste au vu et au su de tous les voisins ( .https://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/13/en-espagne-honte-aux-mauvais-payeurs_1106129_1101386.html) Il semblerait que ce mode de recouvrement des créances soit assez efficace. Peut -être faudrait-il, pour décourager les agresseurs sexuels, une peine complémentaire prononcée par les tribunaux en restaurant une forme de pilori judiciaire. La personne condamnée devrait alors porter pendant un certain temps un brassard bien visible portant la mention « non, c'est non » qui mettrait en garde contre les agissements du condamné. Le port du brassard pourrait être contrôlé assez facilement avec une puce de localisation. Nul doute que l'effet dissuasif de ce brassard diminuerait le nombre de crimes et délits sexuels et que la honte changerait de camp.