POUR UNE NOUVELLE CED


       A ce jour, pour faire face aux crises ukrainienne, arménienne et moyen-orientale, la nécessité d'une Europe de la défense apparaît indispensable. Faut-il donc ressusciter la CED (Communauté Européenne de Défense).

          La construction européenne s'est fait petit à petit et de manière presque empirique. Lors de la création de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier), les pères fondateurs savaient qu'une fédération européenne ne pouvait pas être acceptée de but en blanc . D'où l'idée de créer des communautés, ayant des institutions dont les pouvoirs étaient limités à leurs domaines propres. Après l' échec de la CED , on est passé à une union douanière supposant la libre circulation des marchandises. Pour éviter une concurrence déloyale qui favorisait les membres qui dévaluaient leurs monnaies, on en est arrivé à la monnaie unique.

      Les institutions européennes ont suivi le même cheminement, à chaque avancée correspondant un élargissement des compétences sans que les peuples ne se soient prononcés à l'exception de la tentative avortée de constitution européenne .

       Ce système empirique a traversé bien des difficultés, de la chaise vide du général de Gaulle, au départ du Royaume Uni en passant par la réunification de l'Allemagne et l'élargissement aux pays de l'Est. D'autres crises plus récentes, comme le Covid ou l'Ukraine ont montré que ce système imparfait pouvait être efficace .

      L'Europe doit néanmoins faire face à un phénomène récurent de toutes formes de pouvoir : faire porter la responsabilité de l'échec par l'échelon supérieur. Le maire se retranche derrière le Conseil Général qui accuse la Région qui se défend en prétendant que c'est une compétence de l'État qui lui même invoquera la responsabilité de l'Europe. Cet argumentaire est facile même s'il omet de dire que chaque échelon supérieur est composé des représentants des échelons inférieurs. Chaque gouvernement est ainsi représenté au conseil des ministres européens .

     La deuxième critique est de prétendre que les instances européennes seraient manipulées par les lobbies internationaux. S'il est exact que les lobbies ont pignon sur rue à Bruxelles, il est préférable que leurs présences soient officialisées plutôt que de subir des prévarications occultes.

     Une troisième critique reproche aux instances européennes son coté technocratique et on l'accuse de se mêler de tout et notamment de pondre à l'envie des directives inapplicables . Or ces multiples règlements ont le plus souvent pour objet d'uniformiser des législations nationales disparates pouvant entraîner des distorsions susceptibles de fausser un concurrence libre et parfaite.

     L' organisation européenne a réussi cet exploit de créer une monnaie alors pourtant que la monnaie est l'attribut principal de la souveraineté d'un état. Or l'Europe n'est ni un état, ni une fédération et pas même une confédération, et pourtant l'Euro est une monnaie qui rivalise avec le dollar. Or la défense est également un attribut fondamental d'un état. Est-il donc possible de créer une défense européenne en l'absence d'une vraie fédération européenne ?

      On pourrait décider d'accélérer le passage de l'Union Européenne vers une fédération européenne dotée d'une défense propre qui signerait avec les USA un traité de défense mutule et deviendrait ainsi un allié à part entière des USA. La principale difficulté de cette hypothèse réside dans la montée d'un populisme nationaliste dans certaines opinions publiques qui refuseraient une Europe supranationale.

      Pour éviter ce risque on peut imaginer qu'un simple traité, sur le modèle de celui de l'OTAN, puisse créer une organisation de défense commune. Une organisation qui, comme l'Euro, ne comprendrait que les membres qui le souhaiteraient mais qui devraient s'engager à un certain effort militaire. Afin que des pays non membres de l'Union Européenne comme l' Angleterre ou la Norvège puissent en faire partie, l'organisation devrait être indépendante de l'UE avec son propre conseil des ministres de la défense et disposerait un état-major intégré. Le risque inhérent à ce traité serait d'encourager un désengagement des américains qui pourraient estimer que cette nouvelle organisation rend l'OTAN obsolète. La possible élection de Trump à la présidence rend cette hypothèse d'un désengagement américain possible même en l'absence d'une défense européenne.

     Le président Macron a donc pleinement raison de vouloir accélérer la création d'une défense européenne qui se fera de manière empirique par avancées successives.

   La première tache consiste à essayer de standardiser les industries de l'armement européennes. Il est temps de reprendre l'idée de la CED . Celle-ci avait échoué principalement pour deux raisons : la subordination au commandement américain et la question du réarmement allemand. Aujourd'hui, ces deux arguments ne sont plus pertinents puisque l'Allemagne réarme avec l'accord de tous les pays européens et les États-Unis sont plus préoccupés par leur rivalité avec la Chine que de leur influence sur l'Europe. Le moment est donc bien choisi par le président Macron pour relancer la défense européenne.

                                                                                                                         le 10/10/2023