Souveraineté européenne contre souveraineté nationale
La campagne des élections présidentielles est a peine ébauchée qu'une ligne de fracture semble devoir émerger entre les partisans de la souveraineté nationale et les tenants de la souveraineté européenne.
La souveraineté nécessite plusieurs éléments sans lesquels elle ne peut exister. Il faut d'abord une frontière qui délimite le territoire sur lequel la souveraineté va s'exercer avec une défense pour la faire respecter. Il faut ensuite un ensemble de règles communes à l'intérieur de ces frontières avec une police pour les appliquer. Il faut une monnaie, sans laquelle il ne peut y avoir de politique économique.
Depuis les dernières élections présidentielles, plus personne n'ose préconiser la sortie de l'Euro, mais, comme une chanson lancinante, on entend revenir cette notion de souveraineté nationale qui devrait prévaloir sur les traités et décisions européennes. En Allemagne et en Pologne, des juridictions nationales se sont opposées à des décisions européennes au motif qu'elles étaient contraires à leurs constitutions nationales .
« Pacta sunt servanda » énonce un adage romain qui signifie que les pactes doivent être respectés. C'est la base du droit des contrats et du droit international. Il est bien évident que si un traité n'est pas contraignant pour ceux qui l'ont signé, il ne sert à rien. Si un traité s'avère contraire à la constitution, c'est la constitution qui doit être changée. Cette règle peut paraître étrange à ceux qui ont toujours entendu dire que la constitution état la norme supérieure en droit. Pourtant cette règle est indispensable car aucun pays ne peut se soustraire au traité au motif que le traité est contraire à sa constitution, et dans une pareille situation, le pays a trois solutions: soit il modifie sa constitution, soit il obtient avec l'accord unanime des cocontractants une modification de la clause litigieuse du traité, soit il dénonce le traité. Mais en aucun cas il ne peut prétendre continuer d'être lié par le traité et ne l'appliquer qu'à sa guise. Les gouvernements polonais et allemand doivent donc appliquer les clauses des traités européens que leurs Cours Constitutionnelles respectives ont considérées comme anticonstitutionnelles
Il convient de souligner ici qu'aucune disposition européenne ne peut être prise sans l'accord de chaque pays membre, et chaque nouvel entrant, en signant son traité d'adhésion, accepte les décisions déjà prises.
A l'origine de l'Europe, l'idée était de créer un marché commun dans lequel les marchandises pourraient circuler librement. Deux conceptions s'affrontaient. La première, d'inspiration anglo-saxonne, estimait que les consommateurs sont capables de discerner les bons des mauvais produits qui disparaîtraient d'eux-mêmes et qu'il n'était donc pas nécessaire de réglementer les échanges. La seconde, plus étatiste voulait protéger le consommateur de la voracité des capitalistes par des normes en vue d'arriver au marché pur et parfait. La Politique Agricole Commune est allée plus loin en fixant un prix unique à l'intérieur des frontières pour quelques denrées agricoles. En raison des dévaluations de certaines monnaies, il a fallu alors créer un système compliqué de montants compensatoires, puis on a inventé le serpent monétaire qui devait déboucher sur une monnaie de compte unique, l'ECU, ancêtre de l' Euro. Dans le même temps pour éviter toutes distorsions de concurrence, sont édictées des réglementations communes avec un tribunal pour arbitrer les conflits. Avec la monnaie unique on s'aperçoit bien vite qu'il est nécessaire d'avoir une politique économique commune .
Ceux qui n'arrêtent pas de vitupérer contre les normes européennes sont les mêmes qui se plaignent de la concurrence déloyale des pays où la main-d'œuvre est moins chère. Aujourd'hui plus personne ne parle de sortir de l'Euro, mais personne n'ose dire qu'il faut tendre vers une confédération d'états qui nécessairement devront abandonner une partie de leur souveraineté au profit de l'Europe. La Suisse est un exemple dont il faut s'inspirer. Les langues et particularismes locaux sont préservées et les décisions sont prises soit au niveau cantonal, soit national.
La France n'a plus de monnaie nationale, plus de frontières et la plupart des règles sont d'origines européennes. La souveraineté nationale est donc déjà un leurre sauf à sortir de l'Europe. Le Frexit n'est heureusement plus revendiqué par aucun candidat même si certains en rêvent sans oser le dire. Les partisans de la souveraineté nationale se réfugient derrière l'idée d'une Europe des nations sans préciser cependant ce que cette expression signifie réellement. Cette notion floue, inventée par le Général de Gaulle qui n'a jamais vraiment adhéré à l'Europe, est un cache-sexe pour les europhobes nationalistes qui n'osent prôner un retour au protectionnisme et à la monnaie nationale. Tous les économistes dans cette hypothèse sont d accord pour prédire un désastre économique pour la France.
Qui n'avance pas recule. L'Europe a mis 60 ans à se construire ; elle est encore très fragile et il faudra encore beaucoup de temps pour la parfaire. Il est donc primordial de continuer d'avancer sans craindre une souveraineté européenne qui est la seule solution pour que notre voix soit entendue dans un monde multipolaire.