Vers une socialisation des risques?

     Le Revenu Minimum d' Insertion crée le 15 décembre 1988 par le gouvernement Rocard devient sous le gouvernement Raffarin leuRevenu de Solidarité Active en 2003. Il est aujourd'hui question de le transformer en Revenu Universel d'Activité que certains voudraient remplacer par un Revenu Universel d' Existence.

     Il faut souligner, outre les changements de sigles, les changements de philosophie. On passe ainsi d'une allocation destinée à soutenir la famille à un revenu minimum sans condition de ressource. A partir du moment ou j' existe, la société doit m' assurer un minimum vital. Il s' agit, ni plus ni moins, de socialiser les dépenses induite par le droit à vivre

     La même tendance existe pour le droit à la santé. D'un système de cotisations liées au travail, on est passé à un système de couverture médicale universelle.

     Le droit de la responsabilité est-il en train de subir la même évolution ? D'abord les dommages et intérêts ont été demandés à la personne responsable d'un dommage volontaire puis du dommage involontaire. L'auteur des faits n' étant pas toujours solvable, on a imaginé un fond pour indemniser les victimes d'infractions qui se substitue à l' auteur défaillant.

     En l' absence d'auteur et d'infraction , on a construit un système d'indemnisation à la charge du propriétaire de la chose ayant causé le dommage. Pour pallier à la défaillance du responsable, on a inventé différents fonds de garantie pour indemniser certains sinistres : fond d'indemnisation des victimes d'accidents, de catastrophes naturelles ,de calamités agricoles, d'attentats etc.

     Dans le même temps la notion de responsabilité s'est élargie:le sociologue Gerard Bronner dénonce l'hyper-consequentialisme qui voudrait instaurer une responsabilité indéfinie des conséquences négatives imprévisibles pour un acte commis non intentionnellement. De là, on passera nécessairement à la responsabilité de celui qui s'est abstenu d'un acte alors que s'il avait agit, le dommage aurait été évité. Par application du principe de précaution, on pourra rechercher la responsabilité de celui qui s'est abstenu devant un risque de dommage incertain et inconnu.

    Si j' ai un cancer du poumon, je pourrai rechercher la responsabilité du ministre de la santé qui n'aura pris des mesures d'interdiction du tabac. Si, au cours d'une tempête, je suis écrasé par un arbre, je traduirai devant le tribunal le maire qui aurait du prévoir le danger que représentait cet arbre.Si je glisse sur un trottoir verglacé, il aurait dû être déneigé etc. C'est exactement ce que réclament ceux qui portent plainte contre le gouvernement pour n' avoir pas assez lutté contre le réchauffement climatique.

     Dés lors que, devant un danger certain ou incertain, toute action ou omission, volontaire ou involontaire, qui pourrait avoir des conséquences négatives, prévisibles ou imprévisibles, certaines ou incertaines, peut entraîner une demande de réparation, on arrive bien à un principe de responsabilité universelles avec le risque d'une explosion des demandes de dommages et intérêts à l'encontre de personnes dont certaines seront insolvables ou disparues. Comme il est socialement difficile que l'indemnisation soit conditionnée à la solvabilité du responsable du dommage, on sera nécessairement amené à prévoir une multiplication des systèmes de garanties avant d'en venir à un système d'indemnisation universelle.

     On assiste donc bien à une collectivisation ds risques de la vie : chaumage, santé, accident.

    Face à un destin contraire, il existait déjà trois réponses. Une réponse philosophique : la soumission ; une réponse religieuse, la prière ; une réponse politique, la révolte. Cette quatrième réponse par la socialisation n'est pas illégitime car elle traduit une soif de sécurité d'autant plus forte que la science a permis la compréhension et donc la lutte contre beaucoup de fléaux. Ceux qui n'ont pu être éliminés devront donc être indemnisés.

     Le pas suivant pourrait être d'indemniser le dommage causé à soi-même:je fais une faute qui me nuit. J'en demande réparation à l'état qui aurait du m'empêcher de faire cette faute.

 Le droit à réparation universel pourrait devenir ainsi le droit à l'irresponsabilité. 

                                                    Jean Louis de Bourbon